Dans le Nord, la lutte fongicide s’adapte à la rouille jaune

Dans la région Nord, la progression de la rouille jaune fait évoluer les programmes fongicides. Explications avec Philippe Pluquet

Philippe Pluquet est responsable technique productions végétales chez Noriap
Comment évolue la pression rouille jaune dans votre région ?
La rouille jaune était historiquement considérée comme une maladie occasionnelle dans la région Nord mais depuis 2013, elle est régulièrement observée de manière plus ou moins intense, soit depuis 7 printemps consécutifs. Cette situation est d’autant plus surprenante que les étés chauds de 2017 et 2018 lui étaient théoriquement très défavorables … mais la maladie était malheureusement bien présente lors des printemps suivants.
La rouille jaune est une maladie favorisée par les hivers doux et humides et les printemps frais, c’est pourquoi elle est depuis longtemps régulièrement présente en Angleterre.
Comment expliquez-vous alors la progression de la rouille jaune ?
Cette nouvelle situation pourrait s’expliquer par la capacité de ce pathogène à contourner les tolérances variétales au travers de nouvelles races de rouille jaune (warrior ...). La rouille jaune tend ainsi à s’adapter à des conditions qui lui sont défavorables comme des températures élevées supérieures à 20 °C, un rayonnement important ou une période de sécheresse prolongée. Résultat, les céréaliers observent que certaines variétés de blé annoncées comme tolérantes ou très tolérantes à la rouille jaune deviennent soudainement sensibles.
Quelles sont les conséquences économiques liées à la présence de rouille jaune ?
Au niveau d’une parcelle, les dégâts peuvent être très conséquents, si la variété est sensible et la maladie non maîtrisée, avec des pertes pouvant atteindre 40 à 50 % du rendement.
La rouille jaune occasionne rarement un traitement supplémentaire sauf en 2014 où la pression avait été très forte et un traitement spécifique avait été réalisé sur les parcelles les plus touchées.
Au niveau macroéconomique, l’incidence pour une coopérative comme Noriap peut aller jusqu’à 5 % de la collecte de blé tendre.
Comprendre : La tolérance variétale à la rouille jaune
La tolérance variétale fait partie des outils à la disposition des céréaliers contre les maladies. Pour la rouille jaune, beaucoup de variétés tolérantes en fin montaison et durant le remplissage des grains peuvent être sensibles durant le tallage et le début de la montaison. Les tolérances qui s’expriment au stade adulte, s’appuient à la fois sur plusieurs gènes mineurs qui constituent des niveaux de protection moyennement efficaces mais aussi sur des gènes majeurs qui protègent totalement la plante mais qui sont soumis à des risques de contournement plus importants. Cela explique pourquoi une diminution de la tolérance à la rouille jaune sur des variétés de blé notées tolérantes en fin de cycle peut être imputée à un contournement de la tolérance.
Comment tenir compte de cette nouvelle donne dans les programmes fongicides ?
Si la rouille jaune continue à progresser y compris sur des variétés tolérantes, les agriculteurs vont devoir adapter leurs programmes fongicides qui sont habituellement basés sur la maladie la plus fréquente, à savoir la septoriose. Or, cette maladie tend à être de moins en moins présente en reprise de végétation compte tenu d’une meilleure tolérance des variétés cultivées mais aussi de l’utilisation de modèles de prévision (comme Avizio™) qui permettent régulièrement de s’affranchir de la première application fongicide. La rouille jaune demande en général, des interventions un peu plus précoces modifiant les habitudes des agriculteurs et en partie les produits utilisés. Le raisonnement du traitement intermédiaire pourrait également être modifié : centré aujourd’hui sur la septoriose, il pourrait cibler le complexe rouilles + septoriose en s’orientant vers des produits efficaces sur ces 2 pathogènes comme Elatus® Era.