Botrytis cinerea, un champignon redoutable pour le vin

Botrytis cinerea est l’ennemi numéro 1 de la qualité des vins et affecte le rendement. La rentabilité est impactée.
Des pertes de récolte jusqu’à 40 %
On connait évidemment l’impact qualitatif de la pourriture grise mais Botrytis cinerea affecte également le volume de la récolte avec des pertes qui peuvent aller jusqu’ à 40 % du rendement. Sur cépages blancs et noirs, l’impact sur la récolte se traduit par une perte de jus significative. Ce champignon affecte en effet le rapport marc/jus et pour l’obtention d’1 hectolitre de vin, le poids de vendange nécessaire augmente de façon importante avec le taux de pourriture grise estimé : selon une étude de la chambre d’agriculture de la Gironde, de 138 kg pour une vendange saine, il passe à 190 kg pour une vendange avec un taux de pourriture à 70 %. A cela, il faut ajouter les pertes directes lors du tri et de la récolte.
En France, toutes les régions sont potentiellement concernées avec des variations selon les millésimes, les cépages et le climat de l’année, avec de potentielles attaques plus marquées dans les vignobles du Sud-Ouest, de Champagne et à un moindre niveau de Bourgogne / Beaujolais et de la Vallée de la Loire.
Une qualité du vin très dégradée
Botrytis cinerea est un champignon particulièrement néfaste pour le vin par ses effets sur la couleur, les arômes et la mauvaise tenue au vieillissement. Sa présence cause des problèmes lors de la vinification et altère la qualité du vin sur plusieurs points essentiels :
- dégradation des sucres et modification des équilibres acides avec une augmentation du taux de sucre, puis forte consommation de glucose associée à une élévation du taux d’acide gluconique et de glycérol,
- dégradation de la couleur des vins surtout pour les vins rouges mais aussi pour les vins blancs,
- apparition de la laccase dont la quantité est proportionnelle au taux de pourriture grise. Ces enzymes très stables sont responsables de l’oxydation enzymatique des composés phénoliques qui conduit à la casse oxydasique (les vins rouges ont une couleur marron, des odeurs et des goûts désagréables)
- incidence sur l’arôme des vins avec disparition des arômes fruités,
- production de polysaccharides, les glucanes qui gênent considérablement les opérations de filtration et de clarification des vins,
- prolifération bactérienne qui entraîne des modifications fermentaires.
La forte dépréciation qualitative sur vins rouges, blanc et rosé, est perceptible dès 5 % d’attaque avec une dégradation de la couleur, des arômes et de la structure (Ky et al.,2012). Les dégustateurs rejettent significativement les vins issus de raisins attaqués à plus de 20 % pour les vins blancs et 30% pour les cépages rouges. La mauvaise qualité de la récolte peut entraîner un déclassement et une commercialisation plus difficile.
Par ailleurs, des travaux de l’Inrae et de la Faculté d’œnologie de Bordeaux ont démontré que des attaques de botrytis pouvaient être une porte d’entrée à d’autres champignons comme Penicillium à l’origine de GMT (goût moisi terreux), composés très préjudiciables également à l’intégrité et à la qualité des vins.
Impact œnologique
Moins de mousse pour les champagnes avec Botrytis cinerea
Une étude du CIVC au début des années 2000 a montré que les caractéristiques de la mousse avant et après le versement du champagne dans la flûte, sont fortement altérées lorsque le vin est élaboré à partir de raisin, même partiellement pourris. La mousse, abondante au versement, disparaît en effet rapidement et laisse place au liquide. Le liquide présente alors à sa surface une collerette particulièrement réduite, et ceci dès 20 % de contamination.
Une rentabilité affectée
Si la perte de rendement et une moindre qualité du vin due au développement du botrytis affectent directement la rentabilité des exploitations viticoles, il ne faut pas négliger non plus les surcoûts à prendre en compte pour mettre en œuvre des mesures correctives et sauver un millésime affecté par Botrytis cinerea :
- un tri de la vendange au champ et au chai devient indispensable en cas de botrytis avec un coût de 450 à 750 euros/ha,
- un sulfitage précoce de la vendange permet de limiter l’oxydation des moûts,
- la thermovinification (chauffage à 70 °C de la toute la vendange pendant 30 mn) permet de détruire la laccase,
- une acidification peut être envisagée en fonction de la réglementation
- prévoir un ensemencement et levurage
- un soutirage supplémentaire est nécessaire après la fermentation alcoolique afin que le vin ne soit pas en contact avec les lies.
Toutes ces opérations, qui visent à éviter l’arrêt fermentaire engendrent un surcoût de 150 à 200 euros /ha sans compter que le vin obtenu est souvent moins apprécié par le consommateur.
Une bonne raison pour prévenir à temps le botrytis.