Comment la biodiversité préserve les auxiliaires dans les vignes

Vigne

Pour préserver les auxiliaires dans les vignes, c’est toute la biodiversité qu’il faut favoriser. Rencontre avec Raphaël Rouzès.

Quels sont les principaux auxiliaires des ravageurs de la vigne ?

Raphaël Rouzes

Pour les tordeuses de la grappe, on distingue 3 grandes catégories d’auxiliaires : les prédateurs, les parasitoïdes et les pathogènes. Parmi le premier groupe, on retrouve des insectes généralistes tels que les chrysopes, fourmis et des punaises prédatrices (Nabidae, Miridae et Anthocoridae) mais également des prédateurs plus spécifiques comme le syrphe Xanthandrus comtus. Les arachnides (araignées et opilions) jouent également un grand rôle dans la régulation des vers de grappe. Il ne faut pas oublier non plus la mégafaune prédatrice composée essentiellement des chauves-souris et des lézards. Le deuxième groupe est composé de nombreux parasitoïdes qui s’attaquent aux différents stades des vers de grappes : les trichogrammes pour les œufs, d’autres hyménoptères tels que l’ichneumon Campoplex capitator pour les larves ainsi que certaines mouches tachinaires. Enfin de nombreux pathogènes affectent le développement de ces ravageurs comme les champignons entomophthorales.

Raphaël Rouzès dirige Entomo-Remedium*, une structure indépendante basée en Nouvelle Aquitaine spécialisée en entomologie agricole et en agro-écologie.


Définition

C’est quoi un auxiliaire ?

Le terme auxiliaire qualifie les êtres vivants ayant un rôle bénéfique sur une culture. Il s’agit notamment d’espèces animales consommant ou parasitant d’autres espèces portant préjudice à la culture. Ces auxiliaires jouent un rôle dans les chaînes trophiques et permettent de réguler ces espèces indésirables à différents stades (œufs, larves, nymphes, adultes ...) et de les maintenir à un niveau acceptable pour le vigneron. Les auxiliaires appartiennent à des groupes très variés. Souvent généralistes, ils peuvent être spécialisés sur certaines proies.


Concernant les cicadelles et en particulier celle de la flavescence dorée, les auxiliaires sont moins nombreux que pour les tordeuses de la grappe. En effet, la cicadelle de la flavescence dorée par exemple n’est présente en Europe que depuis le début du 20ième siècle et on ne retrouve pas l’ensemble de son cortège spécifique issu de son milieu d’origine l’Amérique du Nord. Cependant on observe, tout de même, des prédateurs généralistes, tels que les chrysopes, les araignées et certaines punaises Nabidae et Miridae qui participent à sa régulation.

Vis-à-vis des acariens jaunes et rouges et des phytoptes de l’acariose et de l’érinose, les typhlodromes sont de précieux alliés qui peuvent également se nourrir de larves de thrips et de cicadelles.

Il faut remarquer également l’intérêt des coccinelles dans la lutte contre les cochenilles.


De gauche à droite : chrysophe adulte et larve, campoplex capitator, Thomisidae Thomisus (araignée) – Photos Raphaël Rouzès

Ces auxiliaires peuvent-ils à eux seuls maîtriser les ravageurs de la vigne ?

Les auxiliaires ne sont pas en mesure d’éradiquer totalement les populations de ravageurs et ce n’est d’ailleurs pas l’objectif à atteindre car, pour qu’il y ait des auxiliaires dans un écosystème, il faut également des ravageurs. En revanche, ils contribuent à diminuer ces espèces à une densité telle que leurs dégâts deviennent négligeables ou tolérables. C’est ce qu’on peut observer depuis de nombreuses années avec les typhlodromes qui jouent un rôle majeur dans la régulation des acariens au point que les traitements acaricides ont disparu dans la plupart des régions viticoles. Pour d’autres ravageurs comme la cicadelle de la flavescence dorée, la situation est plus compliquée car c’est la présence de la cicadelle (même si les populations sont peu nombreuses) qui est préjudiciable car elle est vectrice du phytoplasme à l’origine de la virose.
Pour une maîtrise efficace et raisonnée des ravageurs nuisibles à la vigne, la connaissance des prédateurs et le suivi de la dynamique de ces bio-agresseurs par des observations régulières à la parcelle sont déterminants dans la mise en place d’une lutte appropriée , si la situation le nécessite, en utilisant des solutions de biocontrôle (comme la confusion sexuelle par exemple) et/ ou des interventions insecticides en choisissant les spécialités les plus neutres vis-à-vis de ces précieux auxiliaires.


Le saviez-vous ?

  • Les larves de chrysope peuvent engloutir au cours de leur développement jusqu’à 500 pucerons
  • Une punaise adulte peut anéantir quelques centaines d’acariens et plusieurs dizaines de pucerons par jour
  • Le taux de parasitisme de l’hyménoptère parasitoïde larvaire Campoplex capitator sur chenille de Lobesia botrana peut aller jusqu'à 80%
  • La pipistrelle commune qui est une chauve-souris que l’on retrouve fréquemment dans les vignes est capable de manger en une seule nuit entre 1 500 et 3 000 insectes

Comment préserver ces auxiliaires ?

Pour préserver les auxiliaires, c’est toute la biodiversité de la parcelle de vigne et de ses abords qu’il faut favoriser afin qu’ils puissent effectuer tout leur cycle de vie dans un environnement proche et non pas seulement faire leur travail de prédation. C’est pourquoi la complexité du milieu est déterminante et il faut tout mettre en œuvre pour l’augmenter avec par exemple de l’enherbement à l’intérieur des parcelles de vigne mais aussi la mise en place de haies, de bordures, l’aménagement de friches ou de talus … autant d’éléments semi-naturels qui seront des sites de refuge ou d’hibernation pour les auxiliaires tout au long de leur cycle de vie. Ces éléments de biodiversité permettent par ailleurs aux auxiliaires de trouver d’autres proies quand il n’y en a plus dans la parcelle de vigne : ainsi, l’ichneumon Camploplex capitator, parasitoïde de l’Eudémis est particulièrement efficace sur la première génération du papillon mais se désynchronise avec son cycle pour les générations suivantes, la présence de tordeuses sauvages tout proche de la parcelle est indispensable à sa survie.
Il faut également penser à apporter des sites de sources de pollen, de nectar et de miellat vitaux pour beaucoup d’insectes pour leur survie et leur reproduction. Parasitoïdes, chrysopes et syrphes se nourrissent ainsi sur les fleurs à l’âge adulte. L’enherbement des parcelles, l’existence et le maintien de fleurs sauvages autochtones par la gestion de fauchages tardifs, à l’intérieur des parcelles et à côté, sont autant de points clefs dans la fonctionnalité de l’écosystème.
Ces aménagements de l’espace viticole sont d’autant plus importants si des traitements insecticides s’avèrent nécessaires car ils permettent à la faune auxiliaire de trouver refuge à proximité et d’être ainsi à nouveau disponible pour son travail de prédation.

Pour aller plus loin :

Les ravageurs de la vigne : un guide synthétique sur leur lutte

* Entomo-remedium est une structure spécialiste de l’entomologie agricole