Le mildiou a encore frappé dans les vignobles en 2023

Vigne
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De Bordeaux à Limoux, les attaques de mildiou ont parfois été exceptionnelles. Explications avec Gilles Robert, Jean Litoux et Jean-Baptiste Drouillard.

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Pourquoi le mildiou a-t-il été aussi virulent dans certains bassins viticoles ?

Gilles Robert

La succession de séquences de pluies conséquentes à partir de début mai dans de nombreux bassins viticoles du sud-ouest est la raison majeure d’un mildiou explosif en 2023. Le mildiou aime l’eau et la récurrence des pluies a eu pour conséquence des durées d’humectation très importantes qui ont permis le développement hors norme de la maladie. A titre d’illustration, dans le Gers, il est tombé 230 mm sur les mois de mai et juin et les vignerons ont dû faire face à 9 séquences de 4 jours successifs de pluie. En Gironde, les vignerons ont été confrontés à plus de 200 mm de pluie dans de nombreuses zones viticoles sur 5 séquences de 4 jours de pluie sur la période la plus sensible (floraison – grain de pois). Pour le bordelais, le facteur aggravant est que le cépage Merlot est très sensible (sur grappes).

Jean Litoux

Dans certains bassins viticoles du sud-est comme celui de Limoux, la pression mildiou a également été exceptionnelle en raison de pluies récurrentes et successives. A Limoux, les vignerons ont dû affronter plus de 250 mm de pluie de mi-mai à mi-juillet avec une fréquence de 5-6 jours. Résultat, l’humidité était continue, les repiquages de mildiou permanents et les fongicides anti-mildiou de contact étaient lessivés.
La pression a également été soutenue dans d’autres vignobles de l’arc méditerranéen (Provence, nord du Gard, nord-est de l’Hérault) à la faveur des pluies orageuses. 
 

Pourquoi le mildiou a-t-il été si difficile à maîtriser ? 

Gilles Robert 

Avec une pression mildiou exceptionnelle et cette forte croissance de la vigne, il ne fallait rien négliger : resserrer les cadences (la priorité), soigner la pulvérisation, passer tous les rangs sur cette période sensible post-floraison, être à jour sur les travaux en vert dans les vignes comme le relevage. Avec la succession des pluies, les fenêtres d’intervention étaient parfois très étroites et ce véritable plan de bataille pour faire face au mildiou n’a pas toujours pu être mis en œuvre faute de main d’œuvre, de matériel adéquat ou de possibilité de passer dans certaines parcelles. Les exploitations les plus importantes en surface ont le plus souffert de cette situation.

Jean Litoux 

Après un début de campagne relativement serein sur le front du mildiou, la situation s’est tendue fortement fin mai et il a fallu resserrer les cadences très rapidement face à une pression mildiou de plus en plus importante associée à une forte pousse de la vigne. Il fallait être très vigilant sur le choix des produits tout en prenant en compte les exigences des cahiers des charges. Dans les cas les plus graves et confrontés à des problèmes d’organisation et des difficultés économiques,  certains viticulteurs ont fini par lâcher.

Jean-Baptiste Drouillard 

Face à la virulence des attaques, certains viticulteurs sont intervenus trop tard et la situation s’est dégradée. Il fallait par ailleurs être en capacité de renouveler rapidement les fongicides anti-mildiou et resserrer les cadences quels que soient les fongicides. Pour les fongicides avec une persistance d’action attendue à 14 jours par exemple, cela signifiait au minimum de passer à 12 jours voire 10 jours pour prendre en compte les pluies incessantes et la pousse de la vigne.
 

Quelles solutions fongicides étaient les plus efficaces face à ce mildiou « hors norme » ? 

Jean-Baptiste Drouillard 

Dans une campagne exceptionnelle comme 2023, toute la panoplie des fongicides anti-mildiou disponibles était nécessaire pour élaborer le plan de lutte. Néanmoins, il faut souligner la supériorité, des fongicides avec une bonne résistance au lessivage. On a pu constater de grosses déceptions sur des fongicides de contact qui nécessitaient un renouvellement après 20 à 30 mm de pluie. Il faut aussi prendre en compte qu’il n’y a plus à ce jour de solution fongicide recommandée pour lutter contre du mildiou déclaré. La stratégie est donc d’intervenir en amont pour ne pas laisser rentrer le mildiou dans la parcelle.

Gilles Robert 

Compte tenu de la virulence du mildiou, les anti-mildiou à mode d’action pénétrant type AMPEXIO®/ REVOLUXIO® ont tiré leur épingle du jeu sous réserve de resserrer les cadences à 10 jours. Les solutions fongicides à base d’oxathiapiproline comme le PASS ORONDIS® ont démontré toute leur efficacité et leur robustesse en cœur de programme car ils sont à la fois translaminaires et diffusants. Les produits de contact (cuivre, folpel) en revanche ont été mis en difficulté par le lessivage, il fallait les renouveler tous les 6 à 8 jours pour réussir.
Il faut souligner par ailleurs la difficulté croissante pour les vignerons d’élaborer des programmes robustes compatibles avec les exigences des certains cahiers des charges (ZNT, DSR, DSPPR, non CMR, …). La raréfaction des solutions disponibles sur le marché va amplifier ce phénomène dans les années à venir.
 

Faut-il craindre du mildiou plus virulent dans les campagnes à venir ? 

Jean-Baptiste Drouillard 

Le mildiou n’est pas plus virulent, c’est le climat qui explique que la pression mildiou est plus ou moins importante. Avec le changement climatique et la récurrence d’années atypiques avec des séquences de chaleur et/ou de pluies, les vignerons devront être plus vigilants car les conditions peuvent être plus favorables au mildiou.
Pour la prochaine campagne, même si l’inoculum mildiou sous forme d’œufs d’hiver est important, ce sont à nouveau les conditions climatiques en sortie d’hiver et au printemps qui seront déterminantes.