Eudémis en première ligne dans les vignobles
Avec le réchauffement climatique, Eudémis gagne les vignobles du Nord et le nombre de générations augmente. Explications avec Raphaël Rouzès, éco-entomologiste, Entomo-Remedium (33)
Comment évolue la tordeuse Eudémis avec le réchauffement climatique ?
Après avoir colonisé les vignobles méditerranéens dès la fin du 19ème siècle via la péninsule italienne, la tordeuse Eudémis est désormais présente dans tous les vignobles français y compris dans les vignobles septentrionaux comme la Champagne, l’Alsace ou la Bourgogne.
C’est une espèce qui se reproduit vite et qui est capable de s’adapter au changement climatique. Eudémis raccourcit son cycle avec des températures plus élevées, mais cette espèce a également besoin d’humidité d’où sa présence plutôt dans les zones alluviales dans une campagne très sèche comme 2022, et, à contrario, dans de nombreuses zones viticoles en 2024 compte tenu d’une forte humidité associé à des températures élevées. A terme, Eudémis pourrait d’ailleurs disparaître des zones trop sèches.
Quelle est la conséquence sur la biologie d’Eudémis et son cycle ?
La conséquence directe de l’augmentation des températures est le raccourcissement du cycle d’Eudémis. Aujourd’hui, le cycle complet d’Eudémis dure en moyenne 1 mois et demi et c’est plutôt 2 mois au printemps et 1 mois en été. Conséquence directe, on observe 2 à 3 générations par saison, parfois avec un début de 4ème génération selon les vignobles et les années. Les générations se succèdent et se chevauchent et la 3ème génération est souvent plus intense. Au début du 20ème siècle, un relevé au Château Suduiraut en Gironde montrait 3 générations d’Eudémis bien séparées avec une 1ère génération significative, une 2ème génération moyenne et une 3ème de de faible intensité début septembre. Un relevé de 2006 dans une autre propriété en Gironde (Château Climens) montre 3 générations qui se chevauchent avec une montée en puissance d’Eudémis au fil des générations et une 3ème génération intense dès début août.
Qu’en est-il de la campagne 2024 ?
La dynamique Eudémis a été plutôt tardive avec une 3ème génération très conséquente dans de nombreux vignobles. Il faut dire que l’humidité et la chaleur ont été au rendez-vous au cœur de l’été. C’est une campagne très différente de la campagne 2022 chaude et sèche, que l’on peut qualifier « d’Andalouse », avec peu d’humidité dans l’air et une pression Eudémis plutôt faible. La campagne 2023 avait quant à elle plutôt des accents de « Guyanne » avec des températures relativement chaudes, et surtout beaucoup de précipitations qui avaient été très favorables à l’émergence de pontes et de larves mais au final peu de dégâts car le mois de septembre avait été sec. La fin de la saison 2024 a confirmé que les conditions estivales ont été favorables à Eudémis, en particulier dans le sud-ouest avec des dégâts importants.
Comment adapter la lutte pour limiter les dégâts sur les raisins ?
Avec l’évolution climatique, tout l’enjeu est d’assurer une protection continue jusqu’à la vendange. Les vols sont plus étalés et la 3ème génération qui est celle qui fait potentiellement le plus de dégâts avec des perforations et des risques de pourritures à l’approche des vendanges, arrive 2 années sur 3 au 15 août, une période où les vignerons sont souvent en congés et où la protection par confusion sexuelle posée diminue. Pour une protection effective et efficace jusqu’à la récolte, les vignerons doivent envisager, notamment les années où la 3ème génération est intense, des solutions de biocontrôle et/ou conventionnelles pour protéger les vignobles.
La nouvelle confusion sexuelle pulvérisable EXPLOYO® Vit qui peut être appliquée en fonction du risque répond à cette nouvelle donne.
Le saviez-vous ?
Eudémis est une espèce à diapause facultative, la diapause étant la capacité d’un ravageur à bloquer son cycle si les conditions abiotiques – température et humidité notamment – ne sont pas réunies. Cela signifie pour Eudémis que, si la température augmente fortement, elle peut amorcer un cycle supplémentaire et engendrer une génération à l’origine de dégâts.