10 ans pour créer une variété de tournesol

Près de 10 années sont nécessaires pour créer un nouvel hybride de tournesol. Un long parcours que nous explique Marc Amiot, évaluateur chez Syngenta.
Quelle est la genèse d’un nouvel hybride de tournesol ?

Marc Amiot : La première étape est la création de nouvelles lignées. L’objectif du sélectionneur est de concentrer un maximum de critères recherchés comme la productivité, la résistance aux maladies, la tolérance au stress hydrique pour ne citer que quelques exemples. En pratique, on part d’une lignée élite qu’on connaît bien et on la croise avec d’autres lignées qui sont porteuses des caractères attendus. Ce travail est réalisé à partir d’autofécondations et de croisements successifs. Il est répété sur une dizaine de cycles jusqu’à l’obtention d’une lignée pure et nécessite le suivi de plusieurs milliers de variétés en pépinière et la pose de centaines de milliers de poches pour une fécondation sans pollution extérieure. Ces poches, que l’on peut observer dans les pépinières permettent en effet de féconder une plante par le pollen de cette même plante. Cette 1ère étape permet d’obtenir des lignées mâles et femelles « pures ».
Des lignées aux hybrides
Les hybrides de tournesol sont le résultat du croisement de deux lignées « pures », une lignée femelle porte graines (c’est elle qui véhicule tout le potentiel génétique) et une lignée mâle qui apporte le pollen. Chaque parent amène son bagage génétique et l’hybride décuple les performances des lignées d’origine sur des critères comme la productivité, la tolérance aux maladies ou le stress hydrique …
Comment se déroule la fabrication de l’hybride ?
Marc Amiot : Avant même la finalisation de la création de lignées pures, ces lignées mâles et femelles sont croisées sur un testeur femelle ou mâle afin de fabriquer des « hybrides expérimentaux » pour valider la valeur hybride des lignées. Cette étape est réalisée en plein champ dans des parcelles agriculteurs ou bien sous des cages isolées, l’été en France mais aussi l’hiver au Chili en Argentine à Puerto Rico.
Des milliers de nouveaux hybrides sont ainsi produits chaque année.
Lorsque la valeur de la lignée mâle ou femelle est validée, elle est alors croisée avec une autre lignée de valeur dotée de critères de sélection complémentaires pour aboutir à l’hybride recherché. Ainsi, une lignée dotée d’un bon potentiel hybride mais qui n’a pas la résistance au mildiou sera croisée avec une lignée qui bénéficiera de cette résistance.
La connaissance des gènes des lignées est aujourd’hui facilitée par le marquage moléculaire qui nous permet de déceler et d’accélérer le repérage des gènes d’intérêt. Le laboratoire de marquage moléculaire de Syngenta situé à St Sauveur à proximité de Toulouse est de ce point de vue un outil puissant pour travailler avec plus de précision et accélérer les processus de création variétale.
Comment sont évalués les hybrides avant leur commercialisation ?
Marc Amiot : Les hybrides obtenus sont évalués durant au moins 3 années d’évaluation dans des environnements climatiques et géographiques divers. Chaque année, ce sont plusieurs dizaines de milliers de micro parcelles d’essais qui sont semées, observées, récoltées.
L’ hybride est reconnu « performant » lorsqu’il démontre sa supériorité par rapport aux témoins du marché cible. On peut alors envisager sa demande d’inscription aux catalogues officiels français et/ou européens.
L’hybride est évalué par des institutions publiques par rapport à des témoins sur des valeurs agronomiques, techniques mais aussi de stabilité. L’hybride et ses parents candidats doivent être distincts, homogènes et stables. Les résultats de ces épreuves conduisent ou non à l’inscription en vue de la commercialisation.
En parallèle de ce process d’inscription, les nouvelles lignées sont multipliées à plus grande échelle chez des agriculteurs multiplicateurs afin de préparer une possible commercialisation si l’hybride est inscrit.
Le saviez-vous ?
Chaque année, Syngenta dépose à l’inscription 15 à 20 nouveaux hybrides de tournesol issus du croisement de quelques dizaines de lignées élites sélectionnées parmi plusieurs milliers de lignées expérimentées en pépinières.
Qu’est ce qui a changé dans le processus de création d’un hybride depuis 20 ans ?
Marc Amiot : La principale évolution est qu’il est possible avec des outils comme le marquage moléculaire d’identifier plus rapidement les gènes d’intérêt dans les lignées qui sont à la base des hybrides.
Par ailleurs, les données que nous collectons depuis des années sur les hybrides que nous testons, sont analysées et nous permettent de nous orienter vers les meilleures combinaisons possibles pour obtenir l’hybride recherché.
Enfin, le traçage nous permet d’identifier la semence et tout son parcours depuis son origine.