Mieux gérer les ravageurs des céréales grâce aux auxiliaires
Préserver la biodiversité dans les céréales favorise les auxiliaires pour mieux gérer les ravageurs. Rencontre avec Johanna Villenave-Chasset.
Quels sont les principaux auxiliaires des ravageurs des céréales ?
Contre les pucerons, on peut citer les syrphes et les coccinelles qui sont des auxiliaires spécifiques des pucerons mais aussi les hyménoptères parasitoïdes qui pondent dans les pucerons et qui sont d’excellents agents de nettoyage au printemps. Il faut également mentionner les chrysopes qui sont des prédateurs généralistes et qui à ce titre s’attaquent aux pucerons, mais aussi aux thrips et aux aleurodes.
Ce sont les larves de ces auxiliaires qui sont prédatrices des pucerons avec des périodes d’activité intense au printemps et en été même si pour les syrphes, les larves peuvent encore être actives jusqu’en octobre.
Johanna Villenave-Chasset est docteur en entomologie et écologie du paysage. Elle est l'une des pionnières en France en matière de protection des cultures par les auxiliaires – Photo Vincent Eschmann
Le saviez-vous ?
Une seule femelle de chrysope peut permettre l’élimination d’environ 240 000 à 350 000 pucerons.
Une seule femelle de syrphe peut permettre l’élimination d’environ 300 000 à 1 000 000 pucerons et autres proies.
Une seule femelle de coccinelle à 7 points (la plus commune) peut permettre une élimination d’environ 300 000 pucerons et autres proies.
Quel rôle jouent ces auxiliaires pour la maîtrise des ravageurs des céréales ?
Si on prend le cas des pucerons, la présence des auxiliaires et de leurs larves prédatrices peut être très efficace au printemps et en été. Les larves de chrysopes par exemple peuvent en effet être observées à partir de mai jusqu’en août-septembre, celles des syrphes ont une période d’action plus large de mars à octobre ce
qui peut contribuer à diminuer des populations de pucerons au début de l’automne. Mais ceux-ci sont surtout actifs quand les céréales sont installées et c’est alors la fin de l’activité de ces auxiliaires. Le seuil de tolérance de ces pucerons d’automne est très faible, car ils sont vecteurs de viroses. Or, si les auxiliaires contribuent à la diminution des populations de ravageurs, ils ne peuvent pas les éliminer totalement puisqu’ils laissent des proies pour les générations futures.
Coccinelle à 7 points – Photo Johanna Villenave-Chasset
C’est quoi un auxiliaire ?
Un auxiliaire est un organisme vivant qui tue un organisme nuisible. Il est également appelé « ennemi naturel de nuisible ». Il peut être prédateur, c’est-à-dire qu’il consomme directement sa proie, en la chassant (larves de coccinelles, syrphes, chrysopes …) ou en la piégeant (araignées tisseuses de toile par exemple). Il peut aussi être parasitoïde, c’est-à-dire qu’il se développe aux dépens d’un hôte dont il entraîne obligatoirement la mort pour réaliser son cycle de vie, contrairement au parasite. Les auxiliaires jouent un rôle dans les chaînes trophiques et permettent de réguler ces espèces indésirables à différents stades (œufs, larves, nymphes, adultes …) et de les maintenir à un stade acceptable pour le céréalier. Ils appartiennent à des groupes très variés. Souvent généralistes, ils peuvent être spécialisés sur certaines proies.
Comment préserver et favoriser les auxiliaires des céréales ?
Pour pondre leurs œufs, les femelles des auxiliaires ont besoin de pollen pour s’alimenter d’où l’indispensable présence de fleurs sauvages ou implantées.
Le premier levier pour l’agriculteur est donc de tout faire pour maintenir la biodiversité en place avec la préservation des haies. Des espèces comme le noisetier, l’aubépine ou encore le châtaignier, pour n’en citer que quelques-unes , avec une floraison de février à septembre, sont favorables à des auxiliaires tels que les syrphes. Les chrysopes butinent principalement les rosacées (pruneliers, poiriers, pommiers, aubépines, ronces, spirées ...) mais aussi les bouleaux et les aulnes. Les haies peuvent également servir de site d’hivernage pour les auxiliaires adultes.
L’implantation de bandes fleuries à proximité des parcelles de céréales s’avère très intéressante pour augmenter la biodiversité fonctionnelle de régulation au sein de l’exploitation. En effet, une bande fleurie est normalement très riche en fleurs et donc en pollen et elle est attractive pour les auxiliaires avec un impact important pour la protection des cultures. En effet, plus une femelle de chrysopes, de syrphes, ou encore de parasitoïdes consomme du pollen, plus elle pond des œufs qui donneront des larves prédatrices. L’intérêt également d’une bande fleurie est que son impact sera rapide, dès que les plantes seront en fleurs. Dès la première année de l’implantation, on peut plus que doubler la quantité d’auxiliaires. Idéalement, la bande fleurie (2 à 6 m) doit être située aux abords des cultures à moins de 200 mètres du centre de la parcelle à protéger. Elle peut également être implantée entre deux parcelles pour les délimiter.
Pour en savoir plus :
- Un livre : Biodiversité Fonctionnelle, protection des cultures et auxiliaires sauvages, Johanna Villenave-Chasset, Editions France Agricole, mai 2020.
- Un site internet